L’image est anachronique : la neige a fondu et il fait +11°C au jardin. Elle est de mauvaise qualité aussi, prise à la longue-vue depuis la fenêtre de la cuisine, mais j’assume : c’est une photo d’archive exhumée avec peine des tréfonds de mon ordi puis photomontée par Antoine. Impossible de la refaire : cette mangeoire n’existe plus. Elle a fini dans le poêle à l’entrée de l’hiver, après 10 ans de service au jardin. Je l’aimais bien pourtant, faite maison avec un vieil abat-jour. J’aurais pu la rafistoler et elle serait repartie pour 10 ans. Oui mais voilà, Jérôme est passé par là…

…Et Jérôme m’a grondée gentiment. En me rappelant ce que je savais déjà : nourrir les oiseaux sur une table pose de sérieux problèmes d’hygiène. Il y a les moisissures et leurs éventuelles mycotoxines qui se développent sur les graines humides et affectent le système immunitaire des oiseaux. Il y a aussi les maladies et les parasites, facilement transmissibles, via les fientes et la salive, entre espèces et individus qui ripaillent au même endroit. Biologiste et ornithologue, mon ami sait de quoi il parle. Et a des preuves à l’appui: en Grande-Bretagne, les effectifs du verdier d’Europe ont chuté de 65% depuis 2005, au point d’inscrire l’espèce sur la liste rouge des espèces menacées.

En cause? Trichomonas gallinae, un protozoaire parasite qui se développe dans la partie supérieure de leur système digestif. La trichomonose affecte les fringilles en général et les verdiers en particulier, oiseaux granivores inconditionnels des mangeoires, et son expansion a été largement favorisée par la charmante mais fâcheuse habitude qu’ont les Britanniques de nourrir les oiseaux à gogo tout au long de l’année (plus d’infos) . Notre pays n’est pas touché par une épidémie comparable, mais mieux vaut prévenir que guérir sachant que, ces dernières années, la Station ornithologique suisse est régulièrement contactée par des amis des oiseaux faisant le récit de passereaux apathiques au plumage ébouriffé (signes de maladies infectieuses), vagabondant autour des mangeoires.

Cet argument massue m’a sérieusement ébranlée, moi qui pensais en faire déjà bien assez en limitant le nourrissage aux périodes de neige ou de gel prolongé. La décision a été prise rapidement : feu ma jolie mangeoire à plateau, vive le distributeur de graines garanti sans bavures ! Le voici suspendu en bonne place sur notre balcon, mais il faudra vous contenter d’une image sans graines ni oiseaux : j’attends le prochain coup de froid pour achalander le resto.

 

Aider les oiseaux en hiver, comment bien faire ?

  • Planter des arbustes indigènes à baies (lire Plantons des haies plus que jamais) et laisser du chenis au jardin.
  • Garnir la mangeoire uniquement par grand froid (neige et gel) pour éviter de rendre les oiseaux dépendants.
  • Eviter les boules de graisse pour les mésanges et les aliments enrichis avec des insectes. Un excès de matières grasses et de protéines peut perturber la reproduction des passereaux au printemps.
  • Préférer les graines de tournesol et de millet aux cacahouètes, qui développent des toxines par temps humide.
  • Offrir des pommes aux merles et aux grives, mais bannir le pain sec qui gonfle dans l’estomac.
  • Troquer les plateformes de nourrissage contre des distributeurs de graines.
  • Suspendre le distributeur hors de portée des chats mais non loin d’un arbre où l’oiseau pourra emporter son butin.
  • Donner à boire par temps de gel.

Et pour conclure : nourrir les oiseaux n’est pas indispensable, car ils sont bien adaptés au froid de l’hiver. C’est avant tout une chouette occasion de les observer et d’apprendre à les connaître, …alors ne vous en privez pas !

Plus d’infos: les conseils de la Station ornithologique Suisse et la Minute Nature de Julien Perrot