De belles pousses bien vertes sont apparues dans le tableau noir et brûlé que composent les rameaux de nos trois kiwaïs palissés. Après le froid mordant de fin avril qui a aminci d’un coup bon nombre de silhouettes, le miracle de la résurrection a eu lieu une fois de plus, par la seule force du végétal. De quoi reprendre espoir et se dire qu’un jour peut-être, nous réussirons à produire ces fruits exotiques au jardin. Ce rêve remonte à sept ans déjà, suite à la visite de la jungle urbaine des Fraternités ouvrières, en Belgique: j’étais restée bouche bée devant les guirlandes lourdes de kiwis qui s’agrippaient aux arbres et traversaient les chemins et j’en étais revenue avec la ferme intention d’en avoir de pareilles.

Seulement voilà. Notre pied du Jura n’a pas un climat océanique et l’altitude du jardin (650 mètres) rend l’opération délicate. Ces lianes sont en effet sensibles au froid et nécessitent une terre à la fois drainante, fertile, humide et pas trop calcaire. Et pour ne rien arranger, les kiwis doivent être abrités du vent, aiment le soleil mais ne supportent pas la sécheresse. Histoire de décupler nos chances, nous avons planté des kiwis classiques à gros fruits (Actinidia deliciosa) près de la maison et plusieurs kiwaïs (Actinidia arguta) au pied des arbres et des treilles : cette espèce, dont les baies sont nettement plus petites (3 à 5 cm), est réputée plus résistante aux grands froids. Comme le genre est dioïque, il est nécessaire d’avoir au moins un pied mâle pour polliniser les pieds femelles. On peut aussi opter pour des variétés autofertiles (notamment kiwi Solissimo et kiwaï Issaï), mais elles produiront moins de fruits. Quoi qu’il en soit, autofertiles ou pas, elles ne sont jamais arrivées jusque là.

En gros et en résumé : nos jeunes kiwis ont tour à tour gelé en hiver, été à moitié arrachés par des vents violents ou ont grillé durant les dernières canicules. Et quand enfin, au bout de 3 ans de croissance contre un vieux pommier, nos deux kiwaïs se sont couvert de fleurs, nous avons constaté que nous avions planté deux mâles pour cause d’absence d’étiquetage…
Ce printemps s’annonçait pourtant plutôt bien. Nos vieux et nouveaux plants ont survécu à l’hiver et démarré en trombe lors des chaleurs précoces de ce mois d’avril. Mais c’était sans compter sur la chute drastique des températures sous la barre du zéro, qui a foudroyé ce bel élan végétal et reporté aux calendes grecques l’hypothétique récolte.

Heureusement, tout comme les plantes du jardin, je m’en suis déjà remise. Mais je songe quand même à commander un plant de Kiwaï arctique (Actinidia kolomikta), dont j’ai découvert l’existence en écrivant ses lignes.

Victimes du gel tardif

Le réchauffement climatique et ses canicules à répétition nous invitent à opter de plus en plus pour des espèces méridionales (vigne, olivier, amandier, abricotier…) ou carrément exotiques (murier de Chine, plaqueminier, kiwi…) capables de résister à la sécheresse, tout en supportant plus ou moins bien de courtes période de gel hivernal. Ces plantes débourrent et fleurissent généralement plus tôt que les autres et sont particulièrement sensibles au gel tardif, qui comme cela s’est vérifié ce printemps, a été particulièrement mordant au-dessus de 600 m d’altitude. Au Jardin sauvage, les dégâts sont nombreux. Voici un petit inventaire des plantes frileuses les plus affectées:

  • Feuillage noirci et racrapoté : murier de Chine (Morus nigra et alba), plaqueminier (Dyospiros kaki), figuier, kiwi et kiwai (Actinidia sp)
  • Jeunes pousses brûlées : vignes, poivriers du Sichuan (Zanthoxylum sp), arbre à miel (Tetradium danielli), raisinier de chine (Hovenia dulcis), arbre-salade (Toona sinensis).
  • Fleurs et fruits gelés : amandier, abricotier, poirier nashi (Pyrus pyrifolia). Et même quelques arbres bien de chez nous, comme le noyer, se sont laissés surprendre. 
  • Plante gelée jusqu’à la moelle: arbre aux haricots bleus (Decaisnea fargesii)

La plupart de ces espèces reprennent déjà du poil de la bête. Comme quoi rien n’est perdu, mais les plantes les plus sensibles au froid  subiront sans doute encore quelques années d’adaptation difficiles, d’ici à ce que les gels tardifs à cette altitude appartiennent au passé.