J’aime les jardins anglais. Pas les green de golf bien sûr, mais les fameuses « mixed borders », joyeuses mosaïques de fleurs et de feuillages, de chic et de charme, de sagesse et de folie . Les plantes s’y font des politesses, « Après-vous, dear », « Je ne veux pas vous faire ombrage, my Lady » mais s’arrangent toujours pour combler les vides et assurer des floraisons sans discontinuer (lire Folie végétale à Great Dixter). N’allez pas croire que ça se fait tout seul, dans une belle harmonie. Cela demande en réalité beaucoup de réflexion et pas mal d’interventions de la part des jardinier(e)s.
Et bien cette année, grâce aux pluies abondantes, j’ose penser que le Jardin sauvage se rapproche un peu de ce modèle anglosaxon. A la différence que les plantes indigènes, si indispensables à la petite faune locale, y occupent autant voire davantage de place que les espèces et variétés horticoles. Toutes origines confondues, la plupart des végétaux ont pris des dimensions inégalées et les floraisons sont spectaculaires, même en juillet. Cela m’a donné une irrépressible envie de vous emmener faire un tour au jardin et de vous raconter quelques plantes …
Sauge des steppes (Salvia nemorosa « superba »)
C’est une cousine de la sauge officinale, mais elle n’en a ni les arômes ni les propriétés médicinales. Mais peu importe, la beauté graphique et la richesse en nectar de la sauge des steppes en font une invitée de marque au jardin. La variété aux fleurs d’un bleu profond « superba » m’a particulièrement séduite dans les jardins de Great Dixter (UK). Depuis je la multiplie chaque année par bouturage et l’installe partout où il y a de la place.
– Plante horticole-
Pavot en arbre (Romneya coulteri)
Du haut de ses deux mètres, le pavot en arbre m’a tapé dans l’œil la toute première fois sur l’île de Bréhat, en Bretagne, et j’en ai déniché un spécimen dans la pépinière locale. Son installation au Jardin sauvage a été délicate, car la plante souffre du froid quand elle est jeune, mais ne doit pas être trop paillée au risque de pourrir à la base. Passé ce cap difficile, elle a prospéré et a déployé une première fleur blanche au bout de 2 ans. Depuis, j’attends chaque été ce spectacle éphémère avec impatience, tout en calmant son ardeur à conquérir par voie souterraine la serre et les massifs voisins.
-Plante horticole-
Grande camomille (Tanacetum parthenium)
Elle est très décevante quand on la goûte, c’est même la grimace assurée tant son amertume est désagréable : je ne suis donc pas très motivée à la sécher pour les tisanes, même si ses vertus sont comparables à celles de la petite camomille (Matricaria chamomilla). Qu’à cela ne tienne, j’aime la grande camomille pour les jolis bouquets qu’elle parsème au potager et pour sa capacité à pousser partout sans rien demander à personne.
– Plante horticole-
Knautie de Macédoine (Knautia macedonica)
C’est la version pourpre et slave de la knautie des champs (Knautia arvensis), une sauvageonne des prairies fleuries. Comme elle n’en a ni la vigueur ni le caractère conquérant, je l’aide chaque année à ne pas se laisser supplanter par sa cousine dans l’étendue graveleuse où elle est installée. Les jolies têtes rouge foncé qu’elle pointe dans la mêlée sont sa plus belle façon de me remercier.
– Plante horticole-
Epilobe en épi (Epilobium angustifolium)
Dans la nature, on rencontre l’épilobe en épi (ou laurier de Saint Antoine) dans les clairières et sur les sols forestiers remués. J’ai tenté maintes fois de semer cette plante pionnière généreuse en graines. Sans succès. J’ai fini par prélever quelques rhizomes et depuis, elle fleurte de toute sa hauteur avec un rosier sauvage (Rosa pendulina) et des ails d’ornements. En Russie, ses feuilles et ses racines séchées sont à la base d’un thé aux nombreuses vertus, le thé d’Yvan, mais je ne l’ai jamais testé.
– Plante indigène-
Sauge de Jérusalem (Phlomis russeliana)
Encore une plante de haute stature, proche des sauges (famille des Lamiacées), mais avec de grandes fleurs jaunes cette fois. En juillet, les pétales ont disparu mais les inflorescences en forme de boule qui s’échelonnent le long de la tige n’en apparaissent que mieux. Brunes en hiver, elles sont particulièrement décoratives quand elles piègent les cristaux de neige.
Chèvrefeuille des bois (Lonicera periclymenum)
Son parfum est subtil, son élégance raffiné. Le chèvrefeuille, quelle que soit son espèce, embaume le jardin d’été dès la nuit tombée. Les sphinx ne s’y trompent pas et font chaque soir la tournée des corolles pour y puiser un précieux nectar. Pieds nus et une torche à la main, nous aimons suivre leurs virevoltes vombissantes et assister discrètement à leur enivrement.
– Plante indigène-
Pavot des jardins (Papaver somniferum "nigrum)
C’est un grand classique mais je ne m’en lasse pas ! Le pavot des jardins est une espèce annuelle qui se ressème particulièrement au jardin potager, car il a besoin de lumière pour bien germer. Je l’aime pour son feuillage bleuté, ses pétales délicats, ses capsules décoratives et sa résistance à toute épreuve. Les abeilles aussi en raffolent : elles y piquent souvent un roupillon, la tête enfouie dans le pollen.
– Plante horticole-
Fenouil commun (Fœniculum vulgare)
Qu’il soit sous sa forme sauvage ou cultivée, le fenouil est une plante incontournable du Jardin sauvage. Son feuillage ciselé aux couleurs bleutées offre de très beaux contrastes dans les massifs et quand il prend de la hauteur (ce qu’on ne souhaite pas au potager), ses élégantes ombelles deviennent le restaurant favori d’une myriade de mouches, syrphes et coléoptères. En juin, il arrive qu’une superbe chenille de machaon fasse bombance sur son feuillage, mais pas de panique, la plante supporte très bien cette boulimie passagère.
– Plante indigène ou horticole-
Reine des prés (Filipendula ulmaria)
Comme elle vit à l’état sauvage dans les fossés, les prairies humides et les marais, j’avais de sérieux doute en installant la reine des prés sur le talus sec situé à côté de la mare. Pourtant, elle s’y est plu d’emblée et forme aujourd’hui un massif d’allure très sauvage en compagnie des iris de Sibérie (Iris siberica) et du cirse maraîcher (Cirsium oleraceum). C’est une plante médicinale réputée de longue date pour ses propriétés anti-inflammatoires, mais ses fleurs sont tellement belles et parfumées que j’ai beaucoup de peine à les cueillir pour les noyer au fond d’une tasse.
– Plante indigène-
Les pépinières que je préfère
D’où proviennent les plantes vivaces, horticoles et indigènes, du Jardin sauvage? D’un peu partout puisque, amoureuse du végétal, j’adore ramener des graines, des plantes ou des boutures de mes escapades proches ou lointaines. La nature étant la meilleure source d’inspiration, j’hésite rarement à prélever quelques graines sur des espèces sauvages, pour autant qu’elles soient présentes en grande densité là où je les rencontre, qu’elles me plaisent et qu’elles ont une chance de pousser au jardin. Au printemps les marchés et les trocs de plantes dédiés aux passionné(e)s sont propices aux découvertes et on y déniche souvent de nouvelles pépites à tester. Et bien sûr, il existe en Suisse romande quelques pépinières originales, dont les massifs in situ et les catalogues en lignes sont particulièrement irrésistibles.
Parmi celles-ci, je recommande notamment :
- Lautrejardin à Cormérod (FR)
- La pépinière d’Agnens à St.-Aubin (FR)
- La pépinière du Bioley à Poliez-Pittet (VD)
- L’apothèque du Jorat à Mézières (VD)
Merci Aino pour ce tour de jardin et ces plantes si intéressantes ! Et je note les adresses !
Cette diversité possède un charme incroyable ! Que la nature est bien faite <3, merci pour cette visite en images.