Les portes sont rondes ou pointues, les maisons joufflues et les toits s’épanchent en volutes et arabesques jusqu’aux jardins piquetés d’ail sauvage, de fougères et de broussailles. Suspendues aux branches, des boîtes à rêve, dans les murs, des gargouilles et derrière chaque porte un décor digne du monde de Tolkien. Une table basse, des étoffes, une cheminée, un Skydôme ouvert sur les étoiles, des mosaïques de verre et des chandelles en guise d’éclairage. Ni carrelage ni plancher, mais un épais tapis de paille de chanvre posé à même le sol. Des plantes bien ancrées aussi, un arbre parfois, vivant et vigoureux. Des vrilles et des spirales encore, des boules de verre pour capter la lumière et une cruche sur l’étagère. Sous l’œil farceur d’un diablotin, j’ai dormi comme une souche, à peine dérangée par la lueur des flammes et un mulot lutin en quête de butin.

Je suis aux confins de la Bretagne, dans le Finistère sud, pays d’origine de la Kerterre, habitation féérique née de l’envie d’une femme de vivre plus sobrement, entre ciel et terre, dans le respect de la nature et du lieu. Il y a 25 ans, Evelyne Adam a imaginé un nouveau mode de construction, simple et souple, à partir de tiges de chanvre brutes (non défibrées) imprégnées de chaux. Bâtie sans plan ni ossature, sans machines ni moteur, la Kerterre s’élève au gré de la créativité des mains- souvent féminines- qui la façonnent. Défiant les qu’en-dira-t-on, Evelyne en a construit des dizaines sur son terrain. Au fil du temps, elle a patiemment peaufiné, partagé et essaimé son savoir-faire lors des chantiers de construction et de formation proposés à Plomeur et ailleurs. Si bien qu’aujourd’hui, des kerterres poussent comme des champignons bien au-delà des landes bretonnes.

Au petit matin, je me suis faufilée sur les sentes détrempées et sous les voutes de branches qui relient les constructions. Point de hobbit aux pieds poilus sifflotant dans le sous-bois, juste le chant du merle et le souffle de l’océan dans le lointain. Malgré le froid humide et les épines des prunelliers, une douceur particulière émane du lieu, comme si le charme des petites maisons suffisait à apaiser toutes les tensions. Aux abords de la Kerterre où Evelyne habite à l’année, les buissons cèdent la place à un joyeux mélange de légumes vivaces, de sauvageonnes, de plantes tropicales, d’écrins de mousses et de roses en devenir : un jardin sauvage par excellence, où la présence humaine se fond dans le décor avec humilité.
J’ai quitté les lieux sur la pointe des pieds et le cœur remué, en espérant n’avoir dérangé personne.

Construire une kerterre, même en Suisse!

En France, la Kerterre a d’abord été considérée comme une œuvre d’art, et n’était pas soumise à autorisation de construire. Aujourd’hui assimilée à un habitat léger au même titre que la yourte ou la tiny house, elle est sujette au bon vouloir des autorités.
En Suisse, la Kerterre est encore très peu connue mais il en existe déjà quelques-unes en Suisse romande. Mieux encore: un stage  de construction de kerterre est proposé pour la première fois ce printemps dans le parc de l’association Pawpaw, situé à 15 min du centre ville de Genève! Comme le dôme en chaux-chanvre a déjà été construit lors d’un premier stage l’été passé, ce second chantier d’une semaine ( du 27 au 31 mai) sera consacré aux enduits extérieurs et intérieurs à la chaux.

Plus d’infos : stage de construction d’une kerterre à Genève

Foire aux questions

De quoi est faite une kerterre?

Contrairement à ce que son nom pourrait faire croire, la kerterre n’est pas en terre crue. Ker en breton signifie maison, et le mot terre évoque le fait de vivre en contact direct avec la terre. En forme de bulle ou d’igloo, elle se construit à partir de tiges de chanvre non défibrées (variété pour  le textile)  qui sont réunies en mèches et trempées dans un mélange de chaux, de sable et d’eau. La construction s’élève en entrecroisant les mèches les unes sur les autres et en les lissant. Il n’y a pas d’ossature en bois ou d’autres structures portantes Le skydôme fait office de clé de voûte. 

Y a-t-il des fondations?

Non, l’embase est posée à même le sol. Elle est faite de couches de béton de chaux et d’ardoises, afin d’empêcher la remontée de l’humidité dans les murs, qui seront en chanvre.

Quelles sont ses dimensions ?

Le diamètre d’un dôme habitable est d’environ 5 mètres et sa hauteur excède rarement 3,5 mètres. On accole plusieurs dômes côte à côte selon le nombre de pièces voulues. On peut bien sûr faire des kerterre plus petites, à vocation de toilettes sèches, d’abri à outil, de niche,…

Quelle est l'épaisseur des murs?

Une épaisseur de 10 cm peut suffire et offre déjà une bonne isolation grâce aux qualités thermiques du chanvre.

Est-ce que ce n'est pas très humide à l'intérieur?

La kerterre doit impérativement se construire durant la belle saison, car le temps de séchage des murs en chanvre et chaux est très long. Des aérations permanentes sont réalisées dans les murs (4 trous en bas, et 4 trous autour du skydôme) pour favoriser la circulation de l’air. La kerterre est complètement sèche au bout de 3 ans et devient de plus en plus solide avec le temps.

En combien de temps peut-on la construire ?

Une kerterre de 3 mètres de diamètre peut se construire en un mois, à raison de 3 heures /jours à deux ou 6 heures/jour pour une personne seule. Mieux vaut prendre son temps et ne pas l’élever trop vite afin que le mélange puisse sécher un peu entre chaque nouvelle couche.

Est-ce bien étanche ?

Oui à condition que l’enduit de finition du dôme a été bien fait. Cet enduit est fait d’un mélange de sable-chaux appliqué soigneusement à la spatule, en le lissant patiemment.

Et le chauffage ?

La kerterre est équipée d’un poêle à bois et/ou d’une cheminée en terre crue. Le sol en terre battue est matelassé avec une épaisse couche de tiges de chanvre, mais il n’y a pas de risque d’incendie car le chanvre brûle très difficilement.

Quelle est sa durée de vie?

Les plus anciennes kerterres ont près de 30 ans et sont toujours très solides, mais il faut veiller à refaire les enduits extérieurs s’ils s’abiment, afin d’éviter les infiltrations d’eau.

Combien ça coûte ?

Le prix est variable selon le diamètre du dôme, le type et l’origine des fenêtres, etc. 

  • Pour un dôme de 35 m² sans électricité, sans skydôme (fenêtre de plafond) et réalisé avec du matériel de seconde main, compter 3 000 Euros
  • Pour un dôme de 35 m² avec électricité, avec skydôme et réalisé avec du matériel neuf, compter 10 000 Euros

 

Il y a l'électricité?

A Plomeur on y vit sans électricité, sur le principe de la sobriété heureuse, mais il est tout à fait possible de l’installer.

Où peut-on apprendre à construire une kerterre?

Des stages d’écoconstruction sont organisés chaque année sur le site de Plomeur, en Bretagne. Ils se déroulent en 3 modules d’une semaine: 1/construction du dôme, 2/enduits de finition intérieurs et extérieurs 3/ Décoration. Des stages encadrés par des personnes qualifiées sont aussi proposés ailleurs en France et dans le monde.

Un livre qui fait du bien

Suite à plus de 25 ans d’expérience à construire les Kerterres, Evelyne Adam raconte à travers ce livre sa démarche, sa philosophie de vie et transmet dans les grandes lignes les manières de construire de façon simple et dans le respect de nature. Il ne s’agit pas d’un guide de construction, car la mise en oeuvre d’une kerterre s’apprend idéalement dans le cadre de formations bien encadrées.  Les photos font rêver et ne donnent qu’une envie: bâtir soi même son petit nid.

A commander sur le site kerterre.org