J’ai compté une trentaine de grenouilles rousses dans le grand étang, et 5 ou 6 dans chacune des mares des potagers. Au petit matin, c’est le calme plat. Mais preuve qu’on n’a pas rêvé, des paquets d’œufs gélatineux flottent à la surface de l’eau. Les plus anciens ont déjà explosé en une myriade de virgules noires qui frétillent quand on les titille. Les têtards grandiront là tout l’été tandis que leurs parents se disperseront dans le jardin, les haies et les bosquets des alentours. Ce manège qui dure depuis 20 ans à quelque chose de réconfortant: les grenouilles sont toujours là, envers et malgré la biodiversité qui s’effondre. En 2016, encouragés par nos découvertes permacoles, nous avons rajouté deux nouveaux points d’eau au cœur même des potagers, dans l’idée d’y créer un micro-climat frais et humide, d’embellir le jardin et d’attirer des auxiliaires, comme les crapauds amateurs de limaces. Ces mares peu profondes, étanchéifiées avec une bâche EPDM, sont chaque printemps les premières à grouiller de têtards. Et chaque été, on y voit de jeunes couleuvres s’y tasser la cloche ou se chauffer au soleil (lire billet du 4 mai 2018). Les oiseaux s’y baignent à longueur d’année et côté insectes, c’est le bal des libellules entre les perches des haricots et les courses-poursuites au dessus des carottes. Et les moustiques me direz-vous? Ils ont déserté les lieux quand sont arrivés les notonectes et ils préfèrent de loin les seaux d’eau croupie oubliés dans un coin.
Dans quelques jours, les grenouilles rousses disparaîtront comme par magie, relayées par les tritons et les crapauds accoucheurs. Mais je sais déjà que bientôt elles me feront des clins d’œil par dessous les feuilles de courgettes et que je les surprendrai entre les salades. Lutines et copines, elles habitent notre jardin, et c’est toujours un bonheur de les rencontrer.