Quand je suis descendue au poulailler au petit matin, j’ai su tout de suite qu’il y avait quelque chose d’anormal, car le petit coq chantait à l’extérieur de l’enclos. Flûte, j’avais dû l’oublier dehors la veille! Malheureusement, il n’était pas le seul. La preuve: quelques bouquets de plumes blanches étaient dispersés devant la porte de la volière, l’abri nocturne hautement sécurisé de nos volailles. Une de mes poules Sussex, l’incorrigible couche-tard, a vu Goupil de près. En guise de signature, le rusé renard a déposé sa crotte sur le duvet, puis il a franchi la clôture du parc, son butin dans la gueule, sans doute pour aller l’apporter à ses petits affamés. Le long de la sente fraîche qui mène à la forêt, quelques plumes blanches oscillent encore délicatement.
Ma poule était dodue, ils ont dû se régaler. Je ne peux pas leur en vouloir, car la vraie coupable, c’est moi. En rentrant un peu tard d’une balade à vélo, je me suis empressée de pousser dans la volière Zéphira et ses 7 petits paons, mais je n’ai pas pris le temps de vérifier s’il n’y avait plus de poules sous la haie qui borde leur grand parc. Grave erreur… Car en cette saison, une poule qui passe la nuit dehors a peu de chance de voir le jour se lever. Dès le crépuscule, le renard est là qui fait son petit tour, tel un geôlier qui vérifie que toutes les portes du poulailler sont bien fermées. Il détecte la moindre faille, profite de la moindre négligence. Du bon côté de la volière, les poules n’ont en principe rien à craindre: on a enterré des fers à béton pour empêcher le renard de creuser, investi dans une porte automatiquepour fermer à coup sûr l’entrée du cabanon-poulailler chaque soir et, suite au massacre complet de la basse-cour il y a 5 ans, on a encore doublé le treillis à poules d’un maillage en fer plus costaud pour le dissuader de mâchouiller le grillage jusqu’à ce que trou s’ensuive…
Mais la nuit dernière, je lui ai offert une poule sur un plateau d’argent. Le drame est encore palpable au cœur de la basse-cour. Le petit coq nègre soie, d’habitude si alerte, reste prostré dans un coin. Il a eu droit à quelques câlins en guise d’excuses.
Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Antoine Lavorel