Pas besoin de s’aventurer dans la jungle tropicale pour s’émerveiller au pied de lianes exubérantes et démesurées. Chez nous aussi, il y a de quoi faire et s’amuser. La grosse différence, c’est que par ce froid qui court, il faut avoir une tenue autre que celle de Tarzan pour s’y suspendre et les décrocher des lisières forestières où elles poussent. C’est donc avec la goutte au nez que j’ai ramené quelques rouleaux de végétaux au cabanon, afin de terminer ma création en cours : une corbeille en houblon et clématite. Ces deux espèces se prêtent en effet très bien à la vannerie sauvage, une manière traditionnelle de tresser des paniers avec ce que nous offre la nature (lire Tressons la ronce et le cornouiller).

La clématite blanche (Clematis vitalba) est la liane par excellence. Grâce à ses vrilles, elle grimpe aisément à l’assaut des grillages en ville et des arbres en forêt. Pour l’installer au jardin-forêt par contre, c’est une autre histoire. J’ai tenté sans succès le semis et le bouturage, avant de transplanter directement une jeune plante au pied d’un pommier mort, où elle pousse depuis sans grande conviction.

Heureusement, les lisières de la forêt voisine débordent de clématites et m’offrent les métrées et épaisseurs de tiges voulues: du gros diamètre pour les anses et les bordures hautes des paniers, du fin pour les éclisses. Je choisis toujours des lianes bien vivantes, les plus longues et les moins noueuses possibles, et les utilise rapidement après récolte, à l’état brut ou écorcée après 15 min de plongée dans l’eau bouillante. On obtient de la sorte de longues lianes souples de couleur jaune, idéales pour qui débute en vannerie.

Pour ce qui est du houblon (Humulus lupulus), je n’ai découvert que tout récemment ses qualités de lien au hasard d’une excellente lecture. Voilà qui tombe bien :  la jeune pousse issue d’une forêt alluviale et plantée il y 20 ans dans notre haie est devenue un houblon mâle presque envahissant ! Chaque printemps, il lance depuis le sol de nouvelles tiges qui peuvent dépasser 10 mètres de long et deviennent sarmenteuses en été.

En théorie, les tiges meurent et deviennent cassantes après les gelées, mais en pratique, j’en récolte encore ces jours-ci des dizaines de mètres parfaitement utilisables. A l’état humide, elles restent (ou redeviennent) d’une souplesse et d’une solidité incroyable et, sur mon panier, supportent bravement les contorsions que je leur impose.

Hier soir, j’ai pu terminer mon ouvrage au cabanon, transformé pour l’occasion en atelier de vannerie. Du genre rustique, ma corbeille en houblon et clématite est un affront au tout-en-finesse des paniers en rotin, mais son large fond plus ou moins plat répondra parfaitement à la vocation paysanne que je lui destine : descendre ou remonter les bocaux de la cave.

Le nid du Marsupilami

Par respect pour la nature, il est essentiel de ne pas prélever plus de matériaux végétaux que nécessaire et jamais tous au même endroit. Mais comme l’occasion fait le larron, nous n’avons pas hésité à ramener à la maison, il y deux ans, quelques rouleaux d’épaisses clématites arrachées et tombées au sol lors d’une coupe forestière.  Ce gisement inespéré a motivé Gaël à réaliser un objet qui fait rêver depuis longtemps toute la famille : le nid du Marsupilami ! Pas tout facile de dompter les grosses lianes et de reproduire le modèle original, mais au final, le couffin obtenu était bien à la hauteur de nos poussées de flemme. Aujourd’hui, cette oeuvre éphémère termine sa vie sous le houppier d’un vénérable tilleul, tout à fait digne de la jungle de Palombie.