Quand les jours raccourcissent, que le stratus s’installe et que la énième COP Climat accouche de sa énième souris, il est vital d’avoir des activités enthousiasmantes. Heureusement, le jardin en offre pléthore ! On peut par exemple planter des arbres, élever des lasagnes ou aligner des bocaux à la cave. Plus ambitieux peut-être? Créer une mare, ce haut-lieu de vie et de poésie. Le moment est en effet idéal pour relever ses manches, empoigner la pioche et creuser un point d’eau qui réjouira nos sens et attirera une foule de petites bêtes plus ou moins sympathiques.

Au Jardin sauvage, il faut bien l’avouer, toute la famille est accroc aux étangs ! Nous avons creusé le premier il y a 25 ans, en droite ligne du mirador de la cuisine, pour ne rien rater du bal des grenouilles, du bain des oiseaux et des jeux des enfants. Bien plus tard, deux petites mares, nettement moins profondes, ont été rajoutées au cœur même des potagers, dans l’idée d’en rafraîchir l’atmosphère et de rapprocher les crapauds auxiliaires des limaces ravageuses (ndlr : les crapauds sont venus, les couleuvres aussi – lire «Une couleuvre au potager» – mais les limaces courent toujours). La dernière mare en date a été creusée l’hiver dernier, en contrebas du cabanon, par nos garçons devenus grands et costauds. Son charme fait l’unanimité: elle est rapidement devenue le royaume du lotus, des libellules et des amoureux.

 
La mare de jardin en quelques étapes

Pour les plus pressés, voici en 1’33” la manière de procéder. Pour tous les autres, rendez vous un peu plus bas…

 

1. Creuser le trou
La dimension et la profondeur de la mare dépend de l’énergie et la place à disposition. En l’occurrence quatre jeunes gens bien bâtis font du bien meilleur travail qu’une tractopelle ! Bien sûr, pas question de creuser une baignoire: le profil de la mare doit être varié, avec pentes douces et paliers, pour satisfaire les besoins d’une grande diversité de plantes et d’animaux. Idéalement, il faut au moins un endroit profond de 80 cm , pour assurer en cas de gel un minimum d’eau libre aux petites bêtes qui hivernent dans la vase. La profondeur de nos deux plus petites mares ne dépasse toutefois pas 50 cm.

2. Feutrer le sol
Après avoir soigneusement ajusté les berges à l’aide d’un niveau à bulles, on tapisse le fond d’une couche de géotextile pour protéger la bâche de la remontée des cailloux.      

 

 

3. Poser l’étanchéité
Difficile hélas d’échapper au plastique pour étanchéifier le fond de la mare. Les fonds en argile ne résistent pas longtemps aux sécheresses récurrentes. Nous avons opté pour une bâche EPDM, sorte de caoutchouc synthétique proche de la chambre à l’air, aussi recommandé pour les toitures végétalisées, et dont l’écobilan et la durée de vie sont bien meilleurs que le PVC.  

 

4. Aménager avec des cailloux
Inesthétique et peu accueillant, le plastique devra être au maximum recouvert de galets, de cailloux plats et de gravier, ce qui permettra aux plantes de s’ancrer et aux bestioles de se cacher. Avec l’expérience, nous évitons aujourd’hui de mettre du sable et des gravillons sur les berges, car ils favorisent l’évaporation de l’eau par capillarité. Dans tous les cas : ne mettez jamais de terre végétale dans l’eau, car la matière organique favorise le développement des algues et l’eutrophisation.

5. Remplir & planter
Il ne reste plus qu’à attendre la pluie ou à remplir la mare artificiellement. Lorsque la mare est en eau, vous pouvez installer quelques plantes aquatiques, de préférence indigènes, pour accélérer la colonisation des lieux. Elles apporteront avec elles les œufs des premiers invertébrés aquatiques et procureront une ombre bienvenue. Un conseil : si la mare est petite, évitez les plantes à rhizomes comme la prêle, la massette et les roseaux…

Foire aux questions

Où installer la mare?

Pas sous un arbre ni contre la haie. Creusez-la dans un endroit plutôt dégagé et bien exposé. Il faudrait idéalement que 2/3 de sa surface soit bien ensoleillé, ce qui favorise le développement des plantes et des larves aquatiques. Un arbuste bas sur la berge sera bienvenu pour fournir un peu d’ombrage et de la sécurité aux oiseaux.

Et les moustiques?

Aucun souci ! Les moustiques se jetteront sur la mare sitôt sa mise en eau, mais leurs larves ne survivront pas à l’arrivée des premiers prédateurs. Notonectes, larves de libellules, dytiques, de tritons, ne leur laisseront aucune chance de devenir adultes.
Méfiez-vous davantage des vieilles bassines, des fonds d’arrosoir, des tonneaux d’eau de pluie ou des sous-pots: c’est plutôt là, dans une eau chaude sans ennemis voraces, que les moustiques pullulent !

Et les algues ?

On observe généralement un pic d’algues au printemps, quand le plancton animal qui s’en nourrit n’est pas encore bien réveillé. Puis un second en été quand l’eau est chaude et l’évaporation très forte. En général, l’équilibre finit par se rétablir naturellement. Patience…

Et le bruit des grenouilles ?

Les grenouilles rousses, fréquentes dans les mares de petite taille, se contentent de ronronner à la saison des amours et sont silencieuses le reste du temps. Les grenouilles rieuses sont par contre très bruyantes : si l’une d’entre elles débarque, expliquez-lui tout de suite qu’elle n’est pas la bienvenue.

J'y mets des poissons ?

Surtout pas ! N’introduisez ni poissons rouges ni tortues de Floride. Les poissons troublent l’eau en remuant la vase et les tortues auront tôt fait de détruire les pontes d’amphibiens et les larves aquatiques. N’introduisez pas non plus d’amphibiens : les tritons et les grenouilles trouveront très vite par eux-mêmes le chemin.

Faut-il rajouter de l’eau?

Oui si le niveau baisse dangereusement en été. Idéalement avec de l’eau de pluie, mais l’eau du réseau peut faire aussi faire l’affaire (le chlore s’évapore vite). Les plantes aquatiques flottantes comme les nénuphars contribuent à limiter l’évaporation.

Et l’entretien ?

Dès la deuxième année, il faut penser à limiter la progression des plantes aquatiques. Certaines font preuve d’une exubérance incroyable et risquent bien de couvrir rapidement tout le fond et la surface de l’eau, au point de la refermer peu à peu. A la fin de l’été, n’hésitez pas à extraire de la mare une ou deux brouettes de biomasse, dont vous pourrez couvrir le potager.

Combien ça coûte ?

Plus ou moins cher si vous mandatez une entreprise ; du temps, le prix des matériaux et de l’huile de coude si vous faites vous même. Il faut compter environ CHF 18.-/m² pour la membrane EPDM. Les cailloux peuvent être glanés gratuitement au bord des champs ou à bas prix dans une gravière.

Envie d’en savoir encore plus?

Alors je ne peux que vous conseiller le petit ouvrage ci-dessous.

Paru aux éditions Terre vivante, ce petit guide écrit par le naturaliste Georges Leblais regorge de bons conseils pour réussir votre mare et y accueillir une biodiversité maximale.