4 mm. C’est le cadeau de l’orage d’hier soir. C’est peu mais c’est déjà ça. A vrai dire, il en faudrait 20 fois plus pour que cela fasse davantage qu’humecter le sol qui meurt de soif depuis des mois.  Au pied du Jura vaudois, notre terre sablo-limoneuse est une passoire où l’eau s’évanouit comme par enchantement. Et nos réserves d’eau sont à sec. Depuis que la municipalité nous a interdit de puiser dans la fontaine l’eau de source qui coule en face de la maison, nous avons pourtant multiplié les citernes au jardin: un monstre en plastique de 5 m3, des cubes d’un mètre cube, des tonneaux de vin en chêne, des gros bidons noirs qui contenaient des olives. Nous avons disposé ces contenants issus de la récup’ aux endroits stratégiques, selon leur encombrement et leur esthétique: sous les gouttières du toit, au pied des serres, à côté du poulailler.

Du haut jusqu’en bas du jardin, c’est le jeu des vases communicants. Depuis le printemps, Christian s’y adonne inlassablement. Une citerne se vide quand l’autre se remplit. Des robinets sont à sec quand d’autres coulent mollement. Il faut sans arrêt dévisser et revisser des embouts, déplacer ou rallonger des tuyaux. Un serpent d’une centaine de mètres est vautré dans la pente. Il remplit la citerne qui abreuve les volailles, le potager et les vivaces les plus précieuses. Nos annuelles sont élevées à la dure. Dans les serres, elles sont arrosées au compte-goutte, ailleurs ce sont les arrosoirs que l’on porte à bout de bras. Nous couvrons le sol du mieux possible, mais le mulch aussi vient à manquer car l’herbe, les orties et les consoudes ne poussent plus. Seul nos haies fruitièress’en sortent la tête haute, sans qu’il y ait eu besoin d’arroser les jeunes arbres qui croulent sous les fruits.

Il y a quelques jours, il a fallu se résoudre à prélever l’eau du réseau. L’idée nous déplaît car il nous paraît absurde d’arroser le jardin avec une eau contrôlée, remontée au village à grand renfort d’énergie électrique depuis les gorges de l’Orbe. Ce n’est pas une question d’argent mais de philosophie, dont Christian s’est fait l’écho en mai dernier dans un reportage d’ABE consacré à la récupération d’eau de pluie dans notre jardin. N’empêche. On vient quand même d’installer un sous-compteur pour l’eau du jardin. Il faut se faire une raison: le pluviomètre reflète désormais la triste réalité des étés sans eau.

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Aino Adriaens