A la table du jardin, la limace est une invitée de premier choix. Pas d’aliments à éviter, d’intolérances à redouter, elle mange de tout et s’extasie pour un rien. En amuse-bouche, un semis de betteraves, de menues carottes, quelques tendres salades et oh délicatesse, une morce de colrave. Viennent ensuite les grandes bouchées de cucurbitacées : courgettes, melons et autres cornichons. Cotylédons, feuilles et pédoncules, tout y passe ! Et les choux bien sûr, aaah les choux, ne l’en privons surtout pas. S’ils sont vivaces, c’est encore mieux: il en restera pour demain. Les patates l’attirent comme un aimant. Piments et oignons ne lui font pas peur. On lui pardonnera d’y manger sans bavette et de laisser quelques traces. Vous aimez les fleurs? Ça tombe bien la limace en raffole. Ipomées et tournesols s’effeuillent en un clin d’œil. En plat de résistance, tentez les iris mais sachez qu’elle grimpe à leur conquête jusqu’à ce qu’ils baissent la tête. Vos mets manquent de fraîcheur ? Aucun souci, elle préfère quand c’est flétri.
Vilaine gourmande, elle salive déjà sur les fraises… Avant d’attaquer le dessert, je lui ai suggéré de faire un saut chez la voisine, d’aller explorer d’autres goûts et parfums délicats. Mais l’exotisme ne la tente pas. Comme elle n’aime pas le gazon ras, elle préfère rester chez moi ou y revient à petit pas. Au Jardin sauvage, elle est au paradis. Massifs luxuriants, légumes aguicheurs, paillis et compost à gogo. Des haies et des mares, des troncs ventrus, du bois moussu et des rhubarbes parasol. Il y a bien une foule de carabes, quelques crapauds, une famille de hérisson et un paon gastronome, mais pas de quoi s’inquiéter : ils trouvent de meilleures choses à manger. La limace n’est recommandée qu’en cas de digestion compliquée.
Question boisson, la limace est très raisonnable, déteste le vin, se noie dans la bière. Mais quand l’eau coule à flot en soirée, c’est la fête assurée. Elle invite ses amies, ses sœurs et ses cousines, à moins qu’il ne s’agisse de ses amis, frères et cousins : chez les gastéropodes, on ne s’embarrasse pas de question de genres. Bientôt les limaces émergent de partout, déboulent en bandes anarchiques, lustrées par la pluie, estomac dans le talon. Le souper se mue en orgie, les nappes deviennent collantes. Au petit matin, les bouquets sont en ruine, le potager désaffecté.
Le partage est exemplaire mais là, franchement, la limace exagère. A force de lui tendre les plats, elle finit par vous bouffer le bras. Pour lui apprendre les bonnes manières, je fais désormais tous les soirs la tournée des comptoirs. Avec une seule chose à l’esprit : lui couper l’appétit.
Epilogue
S’il faut lui trouver une qualité, la limace est une excellente source d’inspiration. D’autres billets sur l’infernal gastéropode et les moyens de les repousser sont à lire sur ce blog:
Rubans de cuivre…
En matière de lutte anti-limaces, nous testons régulièrement de nouveaux procédés. Le dernier en date consiste à protéger chaque planton sensible avec une barrière en cuivre: au contact du métal, la limace frissonne et rebrousse chemin illico. En pratique, on trouve en jardinerie des rubans autocollants en cuivre que l’on peut ajuster sur des rouleaux de plastique vert à découper, vendus au même rayon. On peut aussi recycler des bouteilles en plastique, mais leur petit diamètre ne convient pas aux gros plantons. La méthode est assez efficace, mais le cuivre s’oxyde rapidement: il faut le rajeunir une fois par an avec un petit coup d’abrasif. Le plastique n’est pas non plus très durable sous l’effet des UV…
…et sauge répulsive
Autre combine qui m’a été soufflée par un jardinier: épandre de la sauge autour des légumes à protéger. Répulsif naturel, elle détourne en effet les limaces, mais il faut en avoir de grandes quantités pour les tenir à carreau. A tester en infusion peut-être…
C’est une douce poésie pour des êtres peu sympathiques , gloutons et insatiables ! Merci de votre belle plume et de beaux jours au potager !
Amitiés fleuries
Danielle
Excellent 😂👍
Une belle plume rend la limace toute suite plus poétique 😅.
Pour ma part je fais la tournée matin et soir( la surface de mon potager me le permettant ..) dans les périodes délicates … chasse à la limace … munie de mes deux baguettes Chinoises, je pars déterminée malgré l’avantage du nombre de leur côté . Récoltées dans un tonneau avec feuilles diverses , elles attendent tristement leur sort … le malheur des unes fait le bonheur des autres : ma voisine paysanne bio a qqes centaines de poules en plein air . Elles raffolent des petites limaces et je partage donc mon butin avec elles. C’est l’orgie joyeuse. Je ne peux m’empêcher ce fichu pincement au cœur mais la joie des plumées me l’allège. Les escargots aussi ma foi y passent . Y en a trop aussi cette année … sinon en utilisant des orties pour attacher mes plantons de tomates j’avais remarqué qu’elles raffolaient des feuilles flétries de mes attaches végétales … et plutôt que de me manger mes plantons elles mangeaient les orties fanées … du coup je leur en donne ici et là. Aussi de la berse . Ça les occupe pendant que les plantons grandissent et se rendent moins appétissants… si ça peut servir …
Je meta des collerettes ( bouteilles 1l découpés) autour des plantations er semis sensibles et fais en sorte de déposer des fanes entre celles-ci. Je les enlève juste avant que le plant devient trop grand.
Quel beau texte sur ces petits êtres gloutons et insatiables ! Il illustre tellement bien et de manière poétique la situation au jardin. Ici, les escargots avaient pris leur quartier dans les bacs de culture surélevés, et prospéraient comme jamais ! Alors même qu’ils avaient à disposition une quantité de plantes sensées leur plaire, ils trouvaient toujours le moyen de s’attaquer aux semis ou aux nouvelles plantes de leur environnement, n’hésitant pas à gravir ou escalader des barrières vantées comme infranchissables !! Ils avaient l’air si bien, installés sous les feuilles tendres des salades à tondre….à contre cœur j’ai dû quand même agir “mécaniquement” et les déplacer vers une terre un peu plus hostile – un endroit en friche, colonisé par des orties.
Ps. Dans le grand jardin, ce sont les chenilles qui font des ravages…de belles chenilles vertes qui ont ont mangé une grande partie des feuilles des colraves…