Cela faisait longtemps que je n’avais pas brassé autant de fumier. Et bien ces dernières semaines, j’ai eu ma dose ! Depuis début janvier, nous en avons réparti pas moins de 5 remorques au jardin, soit l’équivalent d’une trentaine de brouettes, copieusement déversées au potager, au pied des petits fruits, des framboisiers et des jeunes arbres en peine de croissance… Pourtant, en 2020, après mes déboires avec du crottin de cheval paillé de lin, j’avais juré qu’on ne m’y reprendrait plus (lire J’ai merdé avec le fumier). C’était sans compter sur mes choux kale rachitiques et le fumier aguicheur de mon ami et voisin Jean-François…

C’est qu’il est bucolique son tas de fumier ! Un magnifique andain comme on n’en voit plus guère, dressé juste à côté de sa vieille ferme, de ceux où on voit chanter le coq, gratter les poules et s’élever à l’aube une vapeur légère et vivifiante. Chaque matin ou presque, Jean-François l’alimente d’un menu aussi divers que varié : pétoles de lapins, crottins de cheval et de lama, cailles de poules, …le tout nappé de paille (pas bio), de foin (bio) et de déchets verts de la cuisine. Et chaque fin d’hiver, il l’étend sur son immense potager et réserve le fumier le plus vieux, «celui du fond, de presque une année», à ses arbres fruitiers, avec des résultats de part et d’autre plutôt spectaculaires si on en juge la quantité de fruits et le volume des légumes produits. Généreux autant que son jardin, Jean-François m’a invitée à me servir dans le tas, en me conseillant de puiser à mi-profondeur, là où le fumier mieux aéré s’est déjà bien composté.

Je n’ai pas hésité longtemps, séduite par ce mélange diversifié qui réduit à néant les tableaux comparatifs, analyses chimiques, bilans NPK, calendriers de fumure, mises en gardes dissuasives et conseils souvent contradictoires pour chaque type de fumier pris séparément. J’y suis donc allée à l’instinct et à la louche-brouette ! Côté potager : une couche épaisse de fumier noir sur les planches destinées aux légumes gourmands (tomates, poivrons, choux,…). Dans la serre : idem mais enterré pour éviter qu’il ne sèche trop. Côté jardin-forêt : deux-trois pelletées au pied de chaque petit arbre en devenir, recouvertes ensuite de branches et feuilles broyées (lierre, sapin et déchets de taille). Par acquis de conscience, j’ai bien consulté quelques livres après coup mais les ai refermé très vite, avant d’être taraudée par l’angoisse d’avoir fait tout faux. En réalité, la réussite de l’affaire dépendra en grande partie de la météo du printemps : s’il pleut suffisamment, le fumier se dégradera bien vite sous l’action des vers, des micro-organismes et de la chaleur. S’il ne pleut pas, … et bien ma foi il faudra l’arroser !

Une chose est sûre : au potager, l’apport régulier de matière organique est indispensable, ne fût-ce que pour compenser toute la matière qu’on prélève sous forme de légumes et de terre accrochée à leurs racines. En d’autres mots, on redonne à la terre ce qu’on lui a pris, mais sous d’autres formes organiques, couvrantes et/ou fertilisantes: c’est la condition pour garder un sol plein de vie, fertile, riche en humus et capable de mieux retenir l’eau. En suivant ce principe, nous recyclons depuis des années tout ce qui est biodégradable au jardin. Entre broyat de branches, feuilles mortes, cartons, compost de végétaux et de toilettes sèches, déchets de cuisine, crottes de poules, … nos apports sont réguliers et presque auto-suffisants, mais n’empêche je veux y croire : rien de tel qu’un bon tas de fumier en guise de coup de fouet pour bien démarrer la saison !