A quoi peut donc bien ressembler une pépinière permacoleperdue dans la Creuse (F) profonde? Le ton est donné dès le portail d’entrée: il est en palettes recyclées et encadré par des clôtures de branches entremêlées. Les ombrières, rabaissées en hiver, sont portées par des bambous glânés dans le voisinage, eux-mêmes fixés sur des supports habillés de plantes grimpantes. L’investissement minime et le système D  pourraient faire fuir tout bon Suisse à cheval sur le propre-en-ordre, mais n’empêche, on y trouve de beaux alignements de plantes hors du commun, soigneusement regroupées selon leur position dans les strates de l’écosystème comestible que Walter et Kathleen Keirse vous proposent de créer : légumes vivaces, couvre-sols, lianes, aromatiques, arbustes et arbres de la canopée.

Au delà des centaines de variétés proposées dans leur catalogue en ligne (atmosvert.fr), le domaine de six hectares est aussi un haut lieu d’expérimentation d’astuces permacolesen tous genres, comme par exemple la pépinière automatique à fraisiers: un cadre de quelques pieds-mères de fraisiers, entouré de dizaines de godets remplis de terreau et d’un léger paillis. Les stolons des fraisiers s’y enracinent naturellement et en fin de saison, on obtient une série de clônes bien vigoureux, qu’il ne restera plus qu’à planter ailleurs ou offrir aux amis. Autre exemple? La pépinière en pneus usagers. Comme les pneus peuvent retenir naturellement une grande quantité d’eau, Walter – qui a fait sien l’adage « travailler moins pour récolter plus »–  en profite pour y cultiver des boutures de petits fruits ou semer des pommiers en y déversant simplement le marc des pommes pressées en automne. L’esthétique est discutable, mais le résultat assuré.

Le clou de la pépinière, c’est sans doute les centaines de mètres de haies fruitières, inspirées du modèle de Stefan Sobkowiak (dont nous reparlerons dans l’édition du 29 mars) et qui s’alignent sur plus de deux hectares d’anciens paturâges. On y trouve une kyrielle de variétés comestibles, plantées en multistrates que j’imagine facilement croulantes de baies délicieuses et bruissantes d’insectes à la belle saison. C’est le garde-manger de la famille, mais aussi la source intarrissable de boutures,  graines et greffons qui alimentent la pépinière. Et comme dirait Walter: « C’est aussi un lieu où on se sent tellement bien qu’on y va pour le plaisir. En fait, je ne fais presque pas de différence entre le travail et les vacances! »

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Aino Adriaens