Heureusement j’ai toujours quelques sujets sous le coude lorsque la neige et le brouillard me confinent à l’intérieur. C’est le bon moment pour partager une scène de vie magnifique, captée au jardin l’hiver dernier. Dans un décor givré accentuant le côté suranné du cliché, on y voit un petit groupe de poules alanguies ou perchées autour de leur coq, sur le canapé Louis Philippe qui trône au verger.
Quel gâchis me direz-vous?! Et bien j’assume complètement la destinée de ce meuble antique, trouvé à la déchetterie communale il y a quelques années. Encore doté à l’époque d’une couleur lie de vin tout à fait présentable, il m’a tapé dans l’oeil et je l’ai ramené tant bien que mal à la maison, où il a longtemps pris la poussière dans un angle en compagnie des plantes vertes. Inconfortable à souhait en raison de ses ressorts fatigués, nous l’avons relégué sur la terrasse d’où la vue sur le jardin est bien plus belle. Mais comme nous nous asseyons rarement pour contempler notre oeuvre et que je souhaitais offrir aux paons un perchoir qui leur soit digne, nous avons fini par déménager le canapé sous le pommier du poulailler, où il a pu jouer son rôle à merveille. Les poules l’ont illico adopté, les lapins se sont glissés dessous et le beau Georges n’a pas manqué de s’y pavaner pour séduire tout son harem.
Si je parle au passé, c’est qu’aujourd’hui le canapé a perdu de sa prestance. A force d’accueillir volailles et intempéries, les boiseries se sont affaissées et la tapisserie s’est déchirée, dévoilant un épais rembourrage de paille et de crin, enrobé de toile de jute. Pas besoin de le ramener à la déchetterie. Comme beaucoup de vieilleries datant de la période « avant-plastique », il est 100% compostable. Il finira donc sa vie au jardin, quoi de plus belle mort pour un canapé roi.
Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Christian Lavorel (poules), Antoine Lavorel (paons), Aino Adriaens