Le kaki est le fruit du plaqueminier du Japon, Diospyros kaki, un arbre originaire de Chine, largement cultivé au Japon, en Afrique du Nord et sur le pourtour méditerranéen. En Suisse, on peut le rencontrer en plaine, en situation abritée, dans des jardins bien exposés: c’est en hiver qu’il attire les regards et les oiseaux car en novembre, l’arbre dépourvu de ses feuilles arbore de magnifiques boules oranges qui surpassent largement nos décorations de Noël. Les fruits se mangent quasi blet, ou autrement dit, mûrs au point d’être tout mous, et se récoltent dans cet état si possible sur l’arbre, après que les premières gelées aient accéléré le processus de maturation et fait passer leur astringence (on peut aussi les faire mûrir au cellier). Leur peau devient alors presque translucide et on mange leur chair sucrée à la petite cuillère, comme on puiserait dans un pot de confiture. Il en existe plusieurs variétés dont la maturité sera plus ou moins précoce. Voilà pour les kakis à chair molle, ceux que vous connaissez sans doute déjà.
Passons maintenant aux kakis durs, qu’on appelle plus poétiquement kakis-pommes. Pour ma part, je n’ai découvert leur existence que l’automne dernier, au détour d’un marché du Cantal, attirée par les couleurs flamboyantes d’un étal. Daniel Tapie, producteur bio dans le sud-ouest de la France (Les récoltes de Toupie), m’a fait goûter des fruits parfaitement mûrs, aussi fermes qu’une pomme, croquants, doux, parfumés et faciles à transporter. Ils étaient proposés aussi sous forme sèche, en fines lamelles façon mangues ou poires. Conquise, j’en ai acheté une caisse entière, que nous avons consommée au fil de la maturité des fruits (ils deviennent orange plus foncé en mûrissant).
A notre retour, il ne me restait plus qu’à trouver un ou deux plants de kaki-pommes à planter au jardin… En pianotant sur le net, j’ai rapidement appris que des paysans et des arboriculteurs bios romands commençaient à s’intéresser de près aux atouts des plaqueminiers : ils sont peu sensibles aux maladies, résistent au froid (- 20°C) et à la sécheresse, et sont très productifs. Ils prospèrent dans une terre fertile, plutôt fraîche en profondeur. Les jeune arbres produisent 30 à 50 kg de fruits et les adultes jusqu’à 100 kg. Parmi les différentes variétés déjà à l’essai en Valais et dans la région lémanique, le kaki-pomme s’avère particulièrement intéressant car sa texture le rend facile à manipuler après la récolte. De fil en aiguille et de bouche à oreille, j’ai finalement déniché trois plants à racines nues dans la pépinière Europlant, à Vich (fruitiersbio.ch). Le producteur Alain Mottier m’a fait l’éloge de sa variété sans nom, qu’il acclimate depuis 10 ans dans la région d’Etoy : elle résiste à tout et croulerait déjà sous les fruits après 3-4 ans de culture.
Pour l’heure en tous cas, je viens de les emballer dans une natte de protection pour le froid. L’expérience acquise avec nos premiers plaqueminiers à kakis “mous” m’incite à la prudence : à 650 m d’altitude, un gel prolongé ne les tue pas mais raccourcit drastiquement leur ramure, ce qui freine leur croissance. Pas question de se décourager pour autant ! Avec le climat qu’on nous promet, je suis prête à parier que dans 10 ans, on pourra accrocher une kyrielle de boules oranges sur notre sapin…
Un peu de nomenclature
En Suisse, le plaqueminier du Japon, ou Diospyros kaki, est habituellement greffé sur le plaqueminier lotus (Diospyros lotus), qui convient bien aux sols calcaires et résiste au froid. Les fruits du « lotus » sont plus petits, décoratifs et astringents. Le kaki est parfois aussi greffé sur le plaqueminier de Virginie (Diospyros virginiana, persimmon en anglais), une espèce américaine qui pousse sur sols plus acides. Ces espèces sont cousines de Diospyros ebenum, qui donne l’ébène.
Avec ses feuilles larges, épaisses et coriaces, le plaqueminier du Japon a une allure tropicale qui surprend et détonne un peu dans notre jardin sauvage La taille des feuilles est toutefois assez variable selon les variétés, qui se déclinent par centaines. Parmi les kakis mous, citons parmi les plus courantes ‘Rojo’ et ‘Costata’. Le choix en kaki pomme est moins large, par exemple ‘Fuju’ et ‘Jiro’. Dans notre jardin, nous avons planté des variétés ‘surprises’. On nous a assuré qu’elles sont bonnes, mais on en ignore le nom.
La plupart des variétés ont les fleurs mâles et femelles séparées sur l’arbre (monoïque) et sont autofertiles. Une dernière chose encore : le greffage du ‘kaki’ sur le ‘lotus’ est assez difficile. Gaël l’a tenté plusieurs fois, mais sans succès jusqu’à présent….