Ce n’est pas une boutade.  Le virus du jardinage existe vraiment.  Il sommeille dans l’inconscient collectif depuis la nuit des temps et se déclare un beau jour par hasard, intérêt ou nécessité dans l’individu ou la société. Car contrairement à celui qui nous obsède actuellement, ce virus-là est vital. Il nous relie à la nature, nous fait garder les pieds sur terre, remplit nos assiettes de produits ultra-locaux, nous pousse au partage, aux rencontres, à la solidarité.  Il y a quelques années, grâce au film Demain qui a popularisé la permaculture, à la faveur aussi des multiples catastrophes environnementales, sociales et économiques qui affectent la planète, il s’est répandu comme une trainée de poudre dans les villes et les campagnes. Il a mué des banquiers en jardiniers, des hommes d’affaire en paysans, des globe-trotters en sédentaires.

Après le pic de 2016, ce virus salutaire a perdu un peu de sa notoriété, mais pas de sa virulence. Les jeunes et les moins jeunes sont toujours plus nombreux à rêver de résilience, d’autonomie, de retour à la terre. Les listes d’attente pour les plantages urbains ne cessent de s’allonger. Les villes cèdent peu à peu aux citoyens des espaces et des permis de jardiner, mais les obstacles restent nombreux. Il y a le poids des habitudes et des administrations. Il y a des normes de sécurité absurdes ou excessives qui rendent quasi impossible de jardiner sur les toits, et des lois protectionnistes qui rendent extrêmement difficile l’accès au moindre lopin de terre pour qui n’est pas fils ou fille de paysan. Il y a aussi cette règle dénuée de tout bon sens qui interdit, même à la campagne, de cultiver son potager sur un terrain agricole. Par bonheur, les choses sont en train de changer. Face à l’urgence climatique et à l’érosion de la biodiversité, les mentalités évoluent et les verrous commencent à sauter. Les université et les hautes écoles s’intéressent de très près à la permaculture, des architectes de l’EPFL la voient comme un modèle pour demain (exposition archizoom) et même les offices cantonaux d’agriculture commencent à la prendre au sérieux.

A l’heure des directives sanitaires qui paralysent l’Europe entière, le Covid-19 a pour seul mérite de démontrer l’absurdité et la fragilité de nos systèmes mondialisés et d’avoir mis un frein à la frénésie planétaire. Ce coup de semonce donnera-t-il un nouvel élan aux alternatives durables et à la décroissance? Rendra-t-il l’humanité plus sage, plus humble, plus sobre, voire même plus heureuse? L’avenir nous le dira rapidement. En attendant, je vais me confiner encore un peu plus au jardin. J’y ferai le plein de santé et d’énergie pour continuer à transmettre plus que jamais le virus du jardinage autour de moi.