21 jours complets confinés sur des œufs dans un pondoir obscur, ça force l’admiration. Pourtant, personne n’a contraint la Sussex (la blanche), la Soie (la grise) et l’Araucana (la brune) à se lancer dans une telle aventure. A part l’instinct bien sûr qui pousse chaque être vivant à se reproduire pour perpétuer l’espèce, quelles qu’en soient les conséquences pour les géniteurs et leurs rejetons. Mes 3 poules se sont donc données le mot plus ou moins en même temps, faisant chuter drastiquement le nombre d’œufs disponibles pour mes gâteaux.
Pour les satisfaire – vu qu’il est illusoire d’empêcher une poule de couver-, j’ai glissé sous leurs plumes le nombre d’œufs correspondant à leur corpulence: 9 pour la blanche, 8 pour la brune, 6 pour la grise. Il ne s’agissait pas de leur propre production, ni de celle de mes autres poules: après l’échec total d’une première couvée en avril, j’ai bien du admettre que mon coq n’était pas aussi vaillant que sa jeunesse et sa virilité le laissaient croire. Bref, les œufs étaient mal fécondés et ma poule s’était fatiguée pour rien. Il fallait repartir sur une meilleure base, qu’un ami et voisin bien achalandé m’a fournie avec grand plaisir.
S’en sont suivies trois semaines éprouvantes pour les poules, mais aussi pour moi. A défaut d’avoir réussi à isoler les couveuses chacune dans son enclos, j’ai dû jouer les gendarmes pour réguler le trafic dans le poulailler. Les autres pensionnaires ont en effet une fâcheuse tendance à vouloir pondre leur œuf dans un nid déjà occupé (et préchauffé), quitte à en chasser la poule qui couve, plutôt que de choisir un pondoir libre. J’ai aussi dû jouer les infirmières, en sortant de force les futures mères pour qu’elles aillent se dégourdir les pattes, vider leur intestin, et s’alimenter un brin avant de poursuivre leur calvaire. Ce mot n’est pas trop fort: essayez donc de rester trois semaines sans bouger, presque 24h /24 quand c’est le printemps dehors et avec des poux qui vous grattent… La palme revient d’ailleurs à Zéphira la paonne, qui a fait mieux encore et sans aucune assistance, en restant cloîtrée pendant 28 jours au fond d’un abri à sa mesure.
Heureusement, tous ces efforts ont été largement récompensés. Zéphira couve désormais du regard huit petits paons aux allures de dinosaures. L’araucana compte et recompte toute la journée ses 7 poussins, la Soie en surveille 4 (le cinquième n’a pas réussi à percer la coquille) et la Sussex s’en est sortie avec deux petits seulement, car elle est a fait la bêtise de laisser ses œufs se refroidir pendant toute une nuit après s’être trompée de nid…
Depuis ce matin, toutes les mamans sont en promenade dans le parc et le beau Georges est fier comme un paon. Quant à moi, je n’ai aucune raison de réprimer mes applaudissements.