En permaculture, on dit toujours que chaque élément du jardin doit remplir une fonction et que, par souci de résilience, chaque fonction devrait être remplie par plusieurs éléments. Alors on me demande parfois à quoi peut bien servir un paon. Et bien Georges, puisque c’est de lui qu’il s’agit, embellit notre jardin. On peut ne pas aimer le bleu, on peut douter de l’intérêt de sa queue, mais on est bien obligé d’admettre que l’harmonie de son plumage est extraordinaire. Quand il émerge tête haute des hautes herbes, quand il se perche au sommet du prunier ou qu’il survole la terrasse, il est simplement magnifique et enveloppe tout le jardin de féérie.

Le second rôle, le plus important à mes yeux, est qu’il apaise le jardinier. Car Georges n’aime pas les gens pressés. Il parcourt le jardin à pas lents et mesurés, et m’accompagne volontiers si je daigne l’attendre quand il s’attarde pour cueillir une mûre ou gober une araignée. Gourmet, il m’aide à éclaircir les raves et les radis, et goûte les choux  avec une telle délicatesse que je suis prête à toutes les indulgences. Quand il est à mes côtés, j’évite les gestes brusques, les voltefaces, la course après un outil ou un arrosoir:  mieux vaut adopter son attitude, calme et contemplative, au risque sinon de déclencher sa mauvaise humeur…

Troisième rôle et non des moindres: il donne le sourire aux gens. Les enfants du village viennent le voir, et Georges vient les voir. Et ils s’esclaffent quand il pousse ses « léons ». Et ils repartent avec des plumes à la main, le visage radieux. Les automobilistes aussi ralentissent et se penchent à leur portière tout sourire quand d’aventure le paon, toujours très curieux, se hasarde au delà des limites de son territoire.

Je pourrais encore lui trouver d’autres rôles, comme par exemple manger des insectes ravageurs, engraisser le jardin, fournir des plumes à nos amis pêcheurs à la mouche ou mettre de l’ordre dans la basse-cour… Mais a-t-on vraiment besoin de trouver une utilité à chaque chose?

 

 

Plumes et poils

Dans les manuels pratiques de petits élevages, il est  toujours dit quelque part qu’il ne faut surtout pas mélanger les bêtes à plumes et à poils. Notre ménagerie en offre un parfait contre-exemple. Touffu, le lapin barbu belge est sans conteste le roi de la basse-cour. Les poules, les canards et même le paon s’écartent sur son passage et il n’hésite pas à « foncer dans le tas » si un groupe de poulets lui barre la porte qui mène au verger. Tout le monde est en bonne santé et partage les mêmes assiettes, selon un ordre hiérarchique bien établi. Et tous raffolent des déchets verts et du même mélange de son et de graines bio qu’on leur prépare chaque jour. Touffu pourrait facilement aller voir si l’herbe est meilleure de l’autre côté de la barrière, mais il ne le fait pas. Sans doute parce qu’il est très amouraché de sa jolie lapine, qui vient encore de lui faire une ribambelle de petits…