Végétaliser les toitures n’est pas l’apanage des villes bien décidées à se rafraîchir et à accueillir la nature à chaque coin de rue. Ni celui des professionnels de l’étanchéité dont les tarifs sont souvent inversement proportionnels à leurs compétences en matière de petites fleurs. En réalité, sachez que si vous avez un minimum de sens de la bricole, du jardinage et de l’équilibre, vous pouvez facilement habiller de vert et à moindre coût, le toit d’une petite construction, style garage, cabane, rucher ou poulailler.

La preuve ? Nous en avons fait l’heureuse expérience il y a 10 ans sur un abri de jardin en bois de 10 m² construit de toutes pièces. Et bien le toit ne s’est toujours pas effondré, ne fuit pas de tous côtés et, chaque année, il nous gratifie d’avril à octobre d’un cortège de fleurs sauvages adaptées aux conditions extrêmes, parfois rares tel cet ail caréné, et qui ne poussent nulle part ailleurs au jardin.

Comme un bon dessin vaut mieux qu’un long discours, voici en coupe le schéma de principe d’une toiture «biodiversifiée»:

L’étanchéité
Nous avons opté pour une bâche EPDM (env. CHF 13.-/m2), sorte de caoutchouc synthétique proche de la chambre à l’air, souvent recommandé pour les toitures et les mares de jardin et dont l’écobilan est bien meilleur que le PVC (autre alternative: la membrane TPO). Nous l’avons étendue directement sur le toit en bois, puis recouverte d’une fine membrane géotextile afin de la protéger des aspérités du substrat minéral.

Les bordures et le drainage
Le bord de la toiture a été rehaussé avec des planches en bois de 20 cm. La membrane étanche les couvre entièrement. Au bas de la pente du toit, il est important de percer quelques trous (avec tuyaux et filtre) pour évacuer l’eau excédentaire, histoire de ne pas transformer le toit en piscine.

Le substrat
Les substrats minéraux vendus pour les toitures végétalisées sont généralement des mélanges industriels minéraux légers créés à base de roches volcaniques (pouzzolane, basalte) et d’argile expansé. Coûteux en énergie grise à la production et au transport, ces matériaux très homogènes ne sont pas idéaux pour la croissance des plantes. Nous avons privilégié un mélange maison créé à partir de briques et tuiles concassées (issues de la gravière voisine) et de terre minérale (prélevée sur notre terrain). Il faut bien sûr que le toit supporte leur poids : compter environ 15 kg/m² et par cm d’épaisseur.

Le substrat a été épandu manuellement, à raison de deux seaux de briques pour un seau de terre minérale. L’ajout de compost n’est pas indispensable. Si vous optez pour de la terre végétale, le substrat sera plus lourd, moins drainant et favorisera la croissance des graminées au détriment des plantes à fleurs typiques des milieux secs (œillet des chartreux, orpins, orlayas…)

Plus le substrat est épais, plus il y a d’eau en réserve et de place pour les racines, et mieux les plantes se portent! La statique et les bords du toit nous ont permis de mettre en moyenne 15 cm d’épaisseur sur toute la surface, avec des creux et des bosses pour créer des micro-reliefs. 12 cm est le minimum requis pour avoir une belle diversité d’espèces.

Les micro-habitats
Rajouter des bouts de bois, quelques gros cailloux,… offre refuge, ombre et humidité à la petite faune et favorise localement la germination et la croissance des plantes. Si la toiture est suffisamment grande, on peut même y aménager une petite mare.

Les plantes
On peut acheter des mélanges de graines d’espèces indigènes « spécial toitures », mais le plus simple, passionnant et bon marché, c’est encore de récolter des graines dans la nature (fleurs de coteaux secs, pierriers, vieux murs) puis de les semer directement sur le toit. On peut aussi les cultiver en pépinière au préalable, mais dans un substrat pauvre afin d’éviter un choc au moment de la transplantation.

L’entretien
En toute honnêteté, il est quasi nul depuis 10 ans. Les plantes ont colonisé toute la toiture et leur floraison s’échelonne au fil du temps. La saison démarre en avril avec des petits iris de garrigue et se termine en septembre avec l’ail caréné, auxquels les globulaires, oeillets, orpins, orlayas, petrorrhagias,… ont  cédé la place. Les plantes se dessèchent en période de canicule, survivent ou meurent mais en tous les cas se ressèment pour réapparaître l’année suivante. Les tiges sèches abritent des insectes en hiver puis se décomposent lentement. Principale intervention : couper la vigne et le rosier grimpant, qui depuis le sol cherchent à s’affaler sur la toiture…

Si vous souhaitez végétaliser une petite construction ancienne et qu’elle ne vous paraît pas solide pour supporter le poids d’un substrat minéral tel que décrit plus haut, sachez qu’il existe d’autres solutions. Nous avons testé un substrat à base de paille sur le notre poulailler, et ça marche!  Mais c’est une autre histoire qui fera un jour l’objet d’un autre billet…

 

Bonnes lectures

Pour réaliser notre petit toit végétal, nous avons notamment suivi les conseils des experts anglais Dusty Gedge et John Little, via leur manuel en ligne « The Do it yourself guide to Green & Living roofs » spécialement dédié aux petites constructions. Ce guide est aussi  disponible en français sur le site construiresontoitvert.com.

Ce guide de recommandations publié par la Ville de Lausanne encourage les propriétaires à accueillir la nature sur leur toit. Vous y trouverez de précieuses informations pour la mise en oeuvre, le choix des plantes et du substrat, ainsi que sur la combinaison gagnante entre vegétal et panneaux photovoltoïques. Ce guide est disponible en pdf sur les pages de la Ville de Lausanne dédiées aux toitures.