Cinq cent ? Huit cent ? Plus de mille ? Quand on me demande combien d’espèces et variétés de plantes il y au jardin, je suis bien incapable de répondre. J’ai arrêté le décompte il y a quelques années déjà, lassée de mettre à jour des listes au rythme trop rapide des apparitions, disparitions et nouvelles introductions végétales. Je me contente d’admirer et d’entretenir la diversité, ce qui m’occupe déjà pas mal. J’aime me laisser surprendre par celles qui s’invitent, se déplacent, se font attendre ou s’installent là où je ne les imaginais pas. Je connais généralement leur petit nom, leur origine, leurs exigences en sol et en lumière, les insectes qu’elles favorisent, si elles sont toxiques ou comestibles. Mais si on me demande à quoi elles peuvent nous servir en terme de santé, je reste très évasive car hormis le fait que leur simple présence me fait déjà du bien, j’ignore quasi tout de leurs propriétés médicinales…

Quand j’avais 13 ans, je me suis pourtant beaucoup intéressée à la question. Passionnée par les livres de Maurice Mességué (C’est la nature qui a raison) et de Jean Palaiseul (Nos grands-mères savaient), je préparais des potions magiques à base de coquelicots, de tanaisie et d’achillée que mon père avait l’amabilité, voire l’imprudence, de bien vouloir tester. Je décidais alors de devenir botaniste, ce que je suis devenue, mais sans l’épithète « ethno » qui m’aurait davantage orientée vers les usages traditionnels des végétaux. Aujourd’hui, je suis bientôt en âge d’être grand-mère, mais mes connaissances n’ont guère progressé en la matière, au contraire de mes douleurs articulaires, défaillances cérébrales et autres petits maux.

Bref, il était temps de se ressaisir ! Autant par curiosité que dans l’idée de nous soigner naturellement, moi et mes proches, je me suis inscrite à l’école des plantes médicinales L’Alchémille, en Valais. Au fil de cette formation passionnante, je découvre avec bonheur que le jardin regorge de plantes aux vertus incroyables et que, si je m’applique, je pourrais continuer à dévaler nos volées d’escalier, courir après les poules, promener des brouettes et raconter mes petites histoires pendant de nombreuses années encore. D’ici là et en guise de révision, je vous emmène à la rencontre de quelques plantes qui méritent largement qu’on s’y attarde…

Menthe-coq (Tanacetum balsamine)

Elle n’a rien d’une menthe, ni l’odeur ni l’allure ni aucun lien de parenté (c’est une Astéracée) mais je relaie volontiers son nom vernaculaire car il est bien plus plaisant à retenir que Tanacetum balsamine. J’ai découvert cette plante au jardin d’inspiration médiévale Herbarius, en Bretagne : sa jardinière Florence Goulley m’avait assuré qu’il n’y avait rien de tel pour digérer la galette-saucisse-frites, ce qui a évidemment titillé mes origines belges et mon estomac. Il n’en fallait pas plus pour que je la teste et l’adopte en toute objectivité. L’amertume qui lui confère ses propriétés digestives est en tous cas nettement plus supportable que celle de sa cousine la grande camomille (Tanacetum parthenium) qui pousse sur la planche voisine.

– Plante horticole-

 

Millepertuis perforé ou herbe de la Saint-Jean (Hypericum perforatum)

Faut-il encore présenter le millepertuis perforé, plante solaire et généreuse par exellence? Si on s’intéresse à ses propriétés, on a l’impression qu’elle a décroché le gros lot : elle est à la fois antibactérienne-digestive-cicatrisante-anti-inflammatoire-stimulante-anti-dépressive.. et j’en passe ! Et modeste avec ça : elle se contente d’un sol maigrichon et pousse dans les friches où elle côtoie de moins bien cotées qu’elle. Bref une merveille qui s’admire aussi en bocal : il suffit de laisser macérer durant trois semaines des fleurs de millepertuis dans une huile végétale, pour obtenir une magnifique huile rouge (dite « de Saint Jean »), efficace en usage externe pour apaiser les brulures et les inflammations.

-Plante indigène-

Grande ortie (Urtica dioica)

Je savais l’ortie bonne pour beaucoup de choses, mais jusqu’à présent je n’en faisais que des soupes fraîches au printemps et du purin immuno-stimulant pour renforcer les légumes du potager. Cet été, je m’emploie à sécher les feuilles tendres d’une seconde repousse dans l’idée de les hacher ou les réduire en poudre à intégrer dans les aliments. Je guette aussi la maturité des graines sur les plantes femelles (l’ortie est dioïque, càd que les fleurs mêles et femelles sont sur des plantes différentes) pour les récolter dans un sac avant qu’elles ne tombent. Riches en éléments minéraux (notamment fer, magnésium, calcium et silice) l’ortie apporte du tonus en cas de fatigue. Elle excelle aussi dans le drainage des toxines des reins et de la peau, soulage les rhumatismes et s’emploie comme hémostatique, par exemple pour interrompre les saignements de nez.

– Plante indigène-

Aigremoine eupatoire (Agrimonia eupatoria)

Encore une plante sauvage rudérale que j’aime pour son élégance, sa haute stature, et sa longue floraison, mais dont j’ignorais tous les autres bienfaits. Particulièrement riche en tanins, l’aigremoine est astringente et donc anti-inflammatoire : elle agit efficacement sur les systèmes digestif et respiratoire et s’utilise notamment en gargarisme contre les maux de gorge. C’est aussi une plante à retenir pour ses effets positifs sur le pancréas, dont elle stimule à la fois les fonctions exocrines (sécrétion de sucs pancréatiques nécessaires à la digestion) et endocrines (régulation de l’insuline et du glucagon dans le sang). Au jardin, je retiens aussi qu’il vaut mieux ne pas trop s’y frotter quand je désherbe les massifs, car ses graines sont aussi accrocheuses que celles de la bardane.

– Plante indigène-

Salicaire (Lythrum salicaria)

Comme c’est une plante sauvage des marais, j’avais installé la salicaire au bord des mares pour satisfaire ses besoins en eau, mais elle s’est rapidement essaimée en lisière du potager, une situation plus sèche mais tout aussi fertile. Et c’est tant mieux, vu qu’elle est très jolie et fleurit jusque tard dans l’été ! C’est donc le bon moment pour récolter ses sommités fleuries et les faire sécher sur une claie à l’ombre : on pourra les consommer en tisane en cas de diarrhée persistante. Les feuilles fraîches peuvent aussi être utilisées en compresse sur les petites plaies pour favoriser la cicatrisation.

– Plante indigène-

Saponaire (Saponaria officinalis)

En cette saison la saponaire est à son apogée et s’emploie à conquérir tout le jardin. N’en déplaise aux sphinx qui l’adorent, je tente vaille que vaille de freiner ses ardeurs en la réduisant en mulch pour le potager. Je songe aussi sérieusement à renouer avec la tradition ancestrale qui en faisait du savon. Et pour cause : la plante et en particulier ses rhizomes, contiennent des saponines, des molécules détergentes et émulsifiantes qui moussent quand on les agite dans l’eau. Au-delà de leur atout pour la lessive, les racines de saponaire sont efficaces en tisane comme expectorant. En usage externe (baume, cataplasme), elles soulagent l’eczéma et autres éruptions cutanées.

– Plante indigène-

 

Bardane (Arctium lappa)

Celle là aussi je l’aime bien pour sa vigueur et son audace, mais comme c’est le cas pour la saponaire, je lui faisais un peu la chasse au jardin avant l’automne, car je manque de patience quand il s’agit de démêler ses graines-velcro de mes pulls ou de mes cheveux. Je dis bien « faisais » car sachant aujourd’hui que ses racines fraîches sont pleines de vertus, je vais la tolérer davantage. Qui sait, j’en ferai peut-être des décoctions cet hiver pour éliminer les toxines accumulées dans l’année (elle est dépurative et diurétique) et pour stimuler ce fameux microbiote intestinal qui nous veut tant de bien.  

– Plante indigène-

Achillée millefeuille (Achillea millefolium)

« C’est une des plantes médicinales majeures du jardin », ais-je appris aux cours d’herboristerie. Ça tombe bien, elle s’installe spontanément en lisière des massifs et prend même ses aises au potager. Pour se souvenir de ses vertus, il suffit de penser à Achille et à son fameux talon blessé lors de la guerre de Troie: la plante est efficace pour cicatriser les plaies et contrer les hémorragies. Elle contient en effet des alcaloïdes et des tanins dont l’astringence provoque la contraction des muqueuses. On retiendra aussi et surtout ses propriétés digestives, anti-spasmodiques et anti-inflammatoires. Bref, un must au jardin !

– Plante indigène-

 

Petite centaurée rouge (Centaurium erythraea)

Très fréquente dans les dunes et pelouses sèches du littoral breton, la petite centaurée rouge l’est nettement moins sur les côteaux secs du Jura. Je n’y croyais donc pas trop en la semant au jardin, mais oh surprise, cette petite plante gracile se plaît sur les hausses végétalisées qui chapeautent nos ruches. Très riches en principes amers, elle est parfaite pour soigner les indigestions. On l’appelle aussi Herbe à la fièvre car elle a des propriétés fébrifuges. Quoiqu’il en soit, j’en ai si peu au jardin que je ne vais pas l’utiliser.

– Plante indigène-

 

Mauve sylvestre (Malva sylvestris)

Mauves, guimauves, roses trèmières, … : toutes ces belles malvacées aiment le soleil et le vagabondage, mais partagent aussi des propriétés adoucissantes (dites aussi émollientes) et anti-inflammatoires liée à leur richesse en mucilages, des molécules (polysaccharides) qui ont la particularité de gonfler en présence d’eau et de la retenir. Elles sont donc efficaces pour protéger les muqueuses pulmonaires et digestives, et pour interrompre les diarrhées. Les feuilles et les fleurs de mauve entrent aussi dans la composition de nombreux produits cosmétiques pour ce même pouvoir hydratant et adoucissant.

– Plante indigène-

Où se former en herboristerie?

Il existe pléthore de bons bouquins qui permettent de découvrir en autodidacte les plantes médicinales. Parmi eux, je citerai notamment:

  • 250 remèdes à faire soi-même, Dr Claudine Lulu, éd. terre vivante
  • Grand manuel pour fabriquer ses remèdes naturels, Christophe Bernard éd. Jouvence (fondateur d’AltheaProvence, l’auteur anime aussi de nombreux podcasts très instructifs).
  • Macérats, teintures mères et vinaigres, Sylvie Hamptikamn, éd. terre vivante

Et bien sûr pour aller plus loin, rien de tel que de se former en présentiel auprès d’herboristes qualifiés: